Dans un voyage ce n’est pas la destination qui compte mais toujours le chemin parcouru, et les détours surtout.
Philippe Pollet-Villard
J’essaye d’éviter les expressions toutes faites et les citations réchauffées mais celle-là me plaît. Pendant le voyage il faut constamment anticiper la prochaine décision, s’orienter, éviter les obstacles, même demander son chemin si vous êtes moins buté(e) que moi. Une fois à destination, l’état est subi. On y est, et l’on observe.
Il n’y a qu’un Taj Mahal mais autant de manières d’y accéder qu’il y a d’individus.
Selon cette définition, le roadtrip est le voyage par excellence. La route est l’objectif, la destination presque accessoire.
Nous avons entamé la route à Edimbourg. Je craignais d’être déçue après tout le bien qu’on m’en avait dit mais je ne l’ai pas été. La cité est dominée par un imposant château. L’ambiance est délicatement gothique, le ciel bleu aidant, on entrevoit le fantastique univers potterien de J.K Rowling. En centre ville avec le flot de touristes profitant des beaux jours, nous marchons des monuments médiévaux au parlement, hautement symbolique.
Puis la conduite a commencé. Il a fallu s’habiter à la voiture et à la signalisation, cela fait partie de l’aventure. En quittant la ville vers le nord, nous avons traversé le Parc National Cairngorms. A force de récits, de romans, de films et d’images, j’avais une idée claire de ce à quoi un paysage écossais devait ressembler : vert, sauvage, désert et maltraité par les vents. Nous avons pourtant roulé pendant des heures sur une route à plusieurs voies, parfaitement asphaltée au milieu d’éoliennes et de terrains retournés, brûlés. Les kilomètres se ressemblent et se succèdent. Quittant l’axe principal nous avons ralenti l’allure, évoluant entre les petits lacs et s’arrêtant pour un picnic ou une photo. Les routes rétrécissent et la ligne centrale disparaît. Perturbant lorsque l’on voudrait naturellement conduire en sens inverse.
Il n’est pas aisé de photographier quand la voiture est en mouvement, l’appareil ne rivalise plus avec l’oeil : nous pouvions voir de superbes panoramas mais l’objectif n’a pu capturer que des images floues de paysages et de paisibles moutons Suffolk.
Nous avions deux raisons de rejoindre le nord : séjourner dans un chateau et visiter la distillerie Glennfinnich. L’Ecosse traditionnelle nous est apparue avec ses feux de cheminée, ses kilts, ses parquets patinés et son whisky single-malt. Là, les années qui passent ne sont pas une menace ; le temps est un allié qui bonifie la pierre et les bouteilles.
Et nous étions rapidement de retour sur la route. A travers le parc et toujours plus au sud vers le Loch Lomond et le Glencoe. J’y ai enfin trouvé les paysages que j’avais en tête avant le voyage. Nous avions alors appris à maîtriser la conduite, à rouler à gauche, à avoir le volant à droite, à respecter la signalisation britannique, à conduire une voiture automatique, à comprendre le système des miles (rayer les mentions inutiles).
Notre dernier arrêt se fit à Luss, auto-proclamé « Village le plus charmant d’Ecosse ». Si nous n’avons pas fait le tour du pays, le slogan n’en était pas pour autant trompeur. Nous avions le loch Lomond au fond du jardin avec vue imprenable sur le coucher de soleil et les arrivées de bateau. Nous avons flâné dans les petites boutiques pensées pour rassasier les touristes en quête d’un peu de terroir et de beaucoup de kitsch.
Chaque personne que nous avons rencontrée a rendu notre séjour plus agréable. Aucune trace du cliché du joueur de cornemuse près de ses sous mais des personnages hauts en couleur ravis de partager ce qui les rend si fiers d’être écossais. L’accent fut difficile à comprendre du début à la fin du séjour mais la bonhommie et la bienveillance facilitent toutes les situations.
Photos : Shubham Sarvaiya